L’album “Patrimoine” fusionne mon parcours personnel avec ma volonté de concevoir cet instrument dans toutes ses spécificités. C’est pourquoi j’ai choisi des pièces pour claviers du XVIIIe siècle ainsi que des compositions de compositeurs qui, tout comme Bach et Mozart en leur temps, contribuent à l’évolution du langage musical. L’évolution de ce langage musical est intrinsèquement liée aux développements des instruments et de leurs utilisations, constituant ainsi, à mes yeux, le patrimoine musical d’un instrument.”
Cet enregistrement, se divise en deux parties distinctes. La première portion présente des pièces pour claviers, mettant à l’honneur les œuvres de Bach et Mozart. La seconde partie met en lumière des compositions originales marquantes du répertoire contemporain de l’accordéon, avec des pièces de Ganzer, Berio et Gubaidulina.
Le choix initial de deux compositeurs emblématiques du XVIIIe siècle repose d’abord sur mon amour pour leur musique, mais également, je l’admets, sur une pointe de provocation : voir cet instrument souvent considéré comme populaire (le plano à bretelle, la boîte à frisson, etc.) interpréter des œuvres de Bach ou Mozart peut être perçu comme un défi.
Les partitions sont interprétées fidèlement à leur écriture initiale. Toutefois, une recherche approfondie a été menée pour répartir les voix entre les deux claviers, accompagnée d’une quête esthétique visant à adapter ces compositions à mon instrument à vent et à soufflerie manuelle.
La Toccata de J.S. Bach, œuvre contrapuntique, a été pensée pour une soufflerie commune à mes deux claviers, intégrant des recherches sur les articulations, les phrasés et la mise en vibration des hanches de l’accordéon.
Dans la Sonate de Mozart, les deux voix, en raison des particularités de l’accordéon, sont réparties sur deux claviers avec des timbres distincts (j’ai cependant créé une grille en bois pour la main droite afin d’obtenir deux claviers plus similaires). Cette approche offre une perspective unique à la sonate, loin de toute tentative d’imiter les cordes pincées. Mon objectif est plutôt de trouver une interprétation distinctive tout en mettant en avant les aspects cristallins, doux et fluides de cette sonate.”
Ensuite, j’ai sélectionné trois pièces originales de compositeurs qui ont profondément marqué le répertoire de l’accordéon.
La “Phantasie 84” de Jorgen Ganzer est l’une des premières œuvres à utiliser la stéréophonie de l’instrument. Une particularité de l’accordéon est sa capacité à jouer deux notes identiques sur deux claviers, avec des timbres différents et deux sorties sonores opposées. Les notes planantes au-dessus de l’ostinato de doubles-croches, les tourbillons de notes en réponse sur les deux claviers, et l’envolée centrale de sextolets confèrent à cette pièce une atmosphère onirique, enivrante, étoilée et douce.
En ce qui concerne la “Sequenza XII” de Luciano Berio, le simple fait que Berio ait écrit une Sequenza pour accordéon représente pour moi une étape cruciale dans le développement de notre instrument dans sa forme classique. Berio utilise l’accordéon dans son ensemble dans cette Sequenza XIII. Il écrit cette pièce avec beaucoup de grâce et de frivolité, oscillant constamment entre douceur et frénésie. Le chant doux du début se confronte de plus en plus à des envolées très agiles, créant une lutte entre deux éléments opposés qui finissent pourtant complices et complémentaires.
“De Profondis” de Sofia Gubaidulina est l’une des premières pièces pour accordéon de concert utilisant des modes de jeu différents qui influenceront de nombreux compositeurs par la suite. Ma rencontre et collaboration avec Sofia Gubaidulina ont été des moments marquants dans ma vie musicale. “De Profondis” est, pour moi, associée à un sentiment de transcendance. La mise en mouvement constante, provoquant un sentiment d’instabilité, contraste étrangement avec une force très déterminée, puissante et immuable. Cette pièce m’accompagne depuis de nombreuses années, et j’ai ressenti le besoin de prendre le temps de présenter ses différents éléments musicaux dans cet enregistrement, offrant ainsi à l’auditeur une immersion plus profonde dans son univers.
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