Les variations Goldberg

PHILIPPE BOURLOIS

Jouer les Variations Goldberg à l’accordéon, c’est conceptualiser une interprétation adaptée à cet instrument à vent. En tant qu’accordéoniste, mon approche vise à respecter intégralement le texte original. Un travail minutieux de répartition des voix sur les claviers a été nécessaire pour suivre les lignes mélodiques. J’ai opté pour un équilibre optimal entre les deux claviers dans le choix de la registration de l’instrument.

L’émission du son diffère considérablement des instruments à cordes pincées ou frappées, offrant ainsi une perspective nouvelle de l’œuvre. L’accordéon, avec son soufflet unique pour deux claviers, nécessite une gestion précise de l’air pour toutes les notes jouées simultanément. La distribution de l’air dans les lames est cruciale pour une mise en vibration harmonieuse. L’accordéoniste doit mobiliser son corps entier pour le travail de l’air, les mouvements se répercutant sur l’instrument. Un accordage et un réglage minutieux sont indispensables pour obtenir une mise en vibration précise des anches battantes, créant un son à la fois juste et chaleureux. Je tiens à exprimer mes félicitations et ma gratitude envers Philippe Imbert pour son travail préparatoire sur l’instrument et sa présence au début de l’enregistrement. La décision de ne réaliser que la première reprise découle de mon expérience sur scène, où ce format a été le plus partagé avec le public. Bien que cet enregistrement se soit déroulé en studio, je l’ai vécu comme un concert, avec mon plus beau public privé : mon épouse, à qui je suis infiniment reconnaissant pour son écoute attentive et sa présence.

Ces variations, dotées d’une architecture complexe, offrent plusieurs niveaux de lecture et une multitude d’analyses possibles. Je souhaite simplement fournir quelques éléments de construction de l’œuvre : une ligne de basse, répétée vingt-huit fois en majeur et trois fois en mineur, sert de fondation à chaque variation.

L’aria, construite sur une basse chiffrée de trente-deux notes réparties sur deux fois seize mesures, sert de microstructure à l’ensemble. Chaque variation est composée sur cette même ligne de basse, créant ainsi une macrostructure similaire à la microstructure de l’aria. L’aria, les trente variations, et le retour de l’aria totalisent trente-deux pistes. Une ouverture à la seizième variation, à l’image de la reprise de la seizième mesure, est présente. Le symbolisme de la trinité est également exprimé par un canon toutes les trois variations, avec un intervalle croissant. Les canons évoluent de l’unisson à la neuvième, se concluant avec le Quodlibet de la 30ème variation. Ce dernier utilise des airs populaires saxons dans un double canon avant le retour à l’aria, la mère nourricière de l’œuvre.

Les Variations Goldberg, œuvre tardive de Bach, se présentent comme une mini-encyclopédie de son écriture pour clavier. Une jubilation évidente transparaît dans son exploration des sons, alliant maîtrise totale de l’écriture et délectation. Derrière une structure sérieuse et une maîtrise parfaite de l’écriture, Bach nous invite à nous amuser avec les sons. Chaque variation offre une infinité d’imaginaires.

« Au soir de sa vie, alors qu’il médite intensément sur les principes de la composition, la variation lui apparaît comme l’un des genres les mieux adaptés à satisfaire son idéal intellectuel et spirituel d’unité dans la diversité, d’identité du Un et du Multiple, couronnant ainsi un siècle et demi de pensée baroque »

« Le moulin et la rivière » Gilles Cantagrel

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